Ana Tascon est prof de math à l’Athénée d’Ottignies. Quand elle a commencé à travailler, il y a 19 ans, ses perspectives d’avenir étaient claires :

« Au départ », explique-t-elle, « je savais qu’à partir de 55 ans, je pourrai diminuer ma charge de travail sans trop de perte de salaire. C’est ce qu’on appelle les aménagements de fin de carrière. Je pouvais prendre ma pension à 60 ans et le calcul de la pension se faisait sur base du salaire des 5 dernières années de travail, c’était plus intéressant.

Avec la réforme, je ne pourrai prendre ma pension qu’à 64 ans et je devrai travailler à temps plein jusqu’au bout. En plus, le calcul de la pension se fera sur les 10 dernières années de travail, ce qui est déjà moins intéressant.

Pire, si on perd les tantièmes préférentiels, c’est jusqu’à 66 ans que je devrai travailler et le calcul de la pension se fera sur l’ensemble de la carrière, ce qui est beaucoup moins intéressant puisque c’est en fin de carrière qu’on gagne le plus.   Au début, je gagnais des clopinettes par rapport à maintenant !

Et puis, je ne me vois vraiment pas travailler à temps plein jusqu’à 66 ans. C’est comme si j’avais pris un gros coup sur la tête. Déjà à 43 ans, je sens que je n’ai plus la même énergie qu’au début. Notre métier est fatiguant, on est sollicité non-stop. Si à 43 ans je sens déjà la fatigue, comment je vais faire ?

En fait, je me sens flouée, parce-que ce n’est plus du tout le contrat de départ ! Moi je me disais que j’allais pouvoir lever le pied à 55 ans, avoir une bonne pension, avec la stabilité du métier, c’était ce qui était attractif pour moi. Aujourd’hui, je n’aurai plus rien de tout ça. En fait,en tant que licenciée en sciences mathématiques, j’aurais mieux gagné ma vie dans le privé. Et aujourd’hui, je n’ai plus aucun avantage par rapport au privé. Je suis perdante sur toute la ligne. Je me sens lésée.

Ils me pourrissent l’existence avec leur réforme. J’envisage même de quitter l’enseignement !

Ils parlent de faire des économies, mais quelles économies ? Ils paieront les profs plus longtemps, et donc plus cher. Ca ne fait que déplacer le problème.

Aller à la manif, ça n’a pas été une décision facile. Il y a la proximité des examens, tout ça. Mais je me suis dit là, il faut y aller, parce-que ça me touche énormément ce qui passe pour le moment.