Carte blanche publiée à l’occasion de la Journée internationale d’action pour le droit de grève, le 18 février 2015.

Nous observons actuellement une régression dramatique des droits fondamentaux conquis de longue lutte depuis le début du XXesiècle : criminalisation grandissante des mouvements sociaux, arrestations « préventives » lors de manifestations, restriction des libertés et atteintes à la vie privée, principe de la concertation sociale foulé du pied par les mandataires politiques… , et le constat atterrant qu’une série de points au programme du Vlaams Blok en 1996, qui justifiait un cordon sanitaire à l’encontre de ce parti, font à présent partie intégrante du programme du gouvernement fédéral.

Dans le même temps, les restrictions budgétaires imposées d’abord pour sauver un secteur bancaire victime de ses propres dérives, puispour respecter des recommandations européennes -qui par ailleurs empêchent toute possibilité de reprise-touchent de plein fouet la société dans son ensemble. Les coupes drastiques effectuées dans les dépenses publiques nous affectent non seulement en tant que travailleurs, allocataires sociaux, étudiants, pensionnés, mais également en tant qu’usagers des services publics.

Les services publics, faut-il le rappeler, représentent le premier instrument de redistribution de la richesse et garantissent la solidarité. Basés sur les principes essentiels d’égalité, d’universalité, d’accessibilité, de continuité, d’efficacité et de mutabilité, ils apportent une plus-value sociale et contribuent en outre à la richesse économique du pays et à la qualité de l’emploi.

Lorsque sur l’autel de l’austérité le gouvernement sacrifie des pans entiers des budgets alloués au secteur public, qu’il s’agisse de l’administration, de la justice, des transports, de la santé ou encore de l’armée ou la police, non seulement il plonge un grand nombre de travailleurs et d’allocataires sociaux dans un risque accru de pauvreté (au premier rang desquels une large majorité de femmes), mais il sabote lui-même les services qu’il est censé assurer (suppression de lignes à la SNCB et au TEC, non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5 dans l’administration, licenciements dans les communes, diminution des subventions à la culture et à la jeunesse, réductions des missions publiques attribuées à la Justice, etc.) et délaisse ainsi l’une de ses principales missions, celle d’assurer l’accès de tous les citoyens à des services de base classés au rang de droits fondamentaux.

Lorsque les droits des travailleurs sont menacés et qu’aucune voie de concertation ne permet d’aboutir à un accord, la seule et dernière possibilité de contester une décision patronale unilatérale est la grève. Une grève n’a lieu que quand la voie de la concertation a échoué. Une grève n’est jamais menée par plaisir, quelle que puisse être l’image véhiculée par une certaine presse. Les travailleurs qui se mettent grève pour défendre la qualité de leur emploi –et par là-même, la qualité du service qu’ils seront en mesure d’assurer– perdent leur(s) journée(s) de salaire et risquent des mesures de rétorsion de la part de l’employeur, alors que, pour nombre d’entre eux, il est déjà difficile de joindre les deux bouts.

La grève est l’ultime recours qu’ont les travailleurs de faire entendre leur voix, de faire respecter leurs droits. Le droit de grève, le droit d’organisation, ainsi que le droit de négociation collective sur les salaires et les conditions de travail constituent des libertés fondamentales et des droits humains. Ces droits sont ancrés dans la Constitution de l’OIT, les Conventions 87 et 98 de l’OIT, la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Porter atteinte au droit de grève, de quelque manière que ce soit, équivaut à renier les engagements de la Belgique en matière de respect des droits fondamentaux.

Or le projet d’instaurer un service minimum représente bien une atteinte au droit de grève.   Rappelons au passage, pour désamorcer ce que l’annonce peut avoir de démagogique, qu’un service minimum est bel et bien assuré là où il correspond à une nécessité vitale (hôpitaux, prisons, homes, crèches,…). L’imposition d’un service minimum, outre l’atteinte qu’elle porterait au droit fondamental des travailleurs qu’est le droit de grève, aurait également pour effet de créer une inévitable détérioration du service public en termes d’accès et de qualité. Et porterait par conséquent préjudice à la société toute entière, ouvrant la voie à l’inégalité d’accès aux services de base, à une société à deux vitesses.

La santé économique d’une société, de même que sa stabilité sociale, sont intrinsèquement liées à la qualité de ses services publics. Celle-ci dépend directement des budgets qui leur sont alloués, et de la qualité de l’emploi qui y est assurée.

Lorsque le droit de grève est menacé, le dernier recours qu’ont les travailleurs pour exiger le respect de ces conditions de base est remis en cause.

Partout en Europe, les atteintes au droit de grève se multiplient, mettant à mal la négociation collective. C’est pourquoi ce 18 février a été décrété par la Confédération syndicale internationale Journée d’action mondiale pour le droit de grève.

En tant que syndicat de services publics, nous nous opposons à toute logique de démantèlement des services publics, et réclamons le maintien d’un service maximum, c’est-à-dire le respect des droits fondamentaux des travailleurs et des citoyens en tant qu’usagers des services publics.

Lien vers la campagne du front commun syndical avec la Ligue des Droits de l’Homme, la CSI et la CES