En voulant préserver les citoyens les plus fortunés, le gouvernement Michel Ier mène une politique très inéquitable qui fait peser toutes les économies (3 milliards à charge des pouvoirs publics, 2,5 milliards dans les soins de santé et 2,1 milliards dans la sécurité sociale) et les impôts (saut d’index avec perte annuelle de pouvoir d’achat) sur les travailleurs et les allocataires sociaux.

Or, tous les experts et les institutions internationales s’accordent à dire qu’un glissement fiscal des revenus du travail vers les revenus du capital est nécessaire pour alléger la pression (para)fiscale. A notre grande stupéfaction, nous constatons que l’accord de gouvernement prévoit de faire le mouvement inverse en organisant un tax-shift d’au moins 766 millions d’euros des revenus du capital vers les revenus du travail ! Les syndicats réclament une contribution substantielle des fortunes et des revenus de la fortune pour financer les services collectifs.

 Les mauvaises décisions de l’accord de gouvernement
 
Le gouvernement effectue un tax-shift inversé épargnant le capital. Ce glissement fiscal inversé ne cesse en outre de prendre de l’ampleur. Malgré toute l’agitation occasionnée par les discussions sur les taxes bancaire, boursière et de transparence, le tax-shift inversé devrait alléger de près de 766 millions d’euros les cotisations perçues sur les revenus du capital. Le SPF Finances l’a clairement démontré.
 
Pas de tax shift sur les revenus du capital Tax shift sur les revenus du capital
En vitesse de croisière, la réduction d’impôt pour les actionnaires (sur les boni de liquidation) en cas de fermeture d’une PME coûtera au moins 750 millions d’euros aux pouvoirs publics. C’est un minimum car pour le SPF Finances, cette perception anticipative risque de coûter de trois (2,8) à cinq fois plus cher (4,7). la “contribution du secteur financier” a déjà pris un sérieux retard. D’après le SPF Finances, elle ne s’élèverait en outre qu’à 82 millions d’euros (au lieu de 150 millions d’euros) en 2018.
D’après le SPF Finances, la “rectification de l’imposition des commissions secrètes” (les amendes élevées infligées pour des dépenses privées mises à charge de la société) ne rapporterait pas 30 millions comme le prétend le gouvernement mais coûterait 113 millions en 2015, aux dépens des contribuables. En vitesse de croisière, le SPF Finances estime que cette mesure coûterait « avec une quasi certitude » 178,1 millions. En vitesse de croisière, l’augmentation de la taxe boursière rapporterait 80 millions.
Solde: – 766 millions d’euros de cotisations provenant des revenus de la fortune.
 

Dans ce calcul, nous ne tenons pas compte de l’augmentation des bénéfices générés par le saut d’index et par le blocage salarial annoncé. Ainsi, le gouvernement prévoit dans son budget pour 2015 une augmentation de 215 millions de l’impôt des sociétés. Ce calcul ne tient pas compte des 120 millions de recettes que doit rapporter la taxe de transparence étant donné qu’il s’agit d’une décision prise par le gouvernement précédent. Aucune estimation fiable n’a d’ailleurs jamais été réalisée pour ces 120 millions (dixit le SPF Finances).Le gouvernement présente également le relèvement de la déduction fiscale forfaitaire comme mesure permettant de maintenir le pouvoir d’achat des citoyens. En vitesse de croisière, cette mesure coûtera 900 millions aux pouvoirs publics. Or, le gouvernement réclame pas moins de 889 millions par le biais d’une augmentation des accises (tabac, diesel) et de la TVA (rénovation, …). Il reprend d’une main ce qu’il a donné de l’autre. De plus, cette mesure ne met aucunement les nantis à contribution.

Un tax-shift réel et substantiel pour une fiscalité plus équitable

Un tax shift est important pour restaurer l’équité. Nous ne nous contenterons donc pas de scénarios minimalistes. Un shift vers les revenus du capital touche beaucoup moins les revenus moyens et faibles qu’un saut d’index, qui doivent réserver une plus large part de leur budget à la consommation et aux investissements directs.
 
Une fiscalité juste est nécessaire :
 
  • pour financer la sécurité sociale et les équipements collectifs qui ne coûtent pas un cent aux autorités fédérales mais au contraire en rapporte.
  • pour financer une diminution sélective des cotisations issues du travail, pour les secteurs et les emplois où l’impact de cette diminution est le plus important pour l’emploi (les employeurs en récoltent également les fruits) : secteurs à bas salaires, secteurs exposés à une forte concurrence internationale ou exerçant des activités subventionnées. Ce n’est pas possible dans le cas d’un saut d’index, qui est une mesure linéaire, largement étalée entre tous les secteurs, y compris ceux qui ne sont en rien concernés par cette réduction du coût salarial.
  • En termes de création d’emplois, un tax shift est beaucoup plus efficace qu’un saut d’index, comme le montrent toutes les études comparatives qui ont cherché à mesurer les effets pour l’emploi des différents scénarios d’un tax shift. D’où l’accueil de plus en plus favorable que lui réservent les experts nationaux et internationaux. C’est le cas en Belgique de plusieurs économistes (la liste ne cesse de s’allonger), du Bureau du Plan, de la Banque nationale et du Conseil supérieur des Finances. Sur le plan international, le FMI, l’OCDE et, last but not least, la Commission européenne ont adressé plusieurs recommandations à la Belgique. Dans sa récente analyse de la Belgique, le FMI a encore exhorté notre pays à réduire l’écart entre la taxation du travail et la taxation du capital.
 Différents scénarios existent pour un glissement des cotisations en direction du patrimoine. Un éventail de mesures bien choisies doit permettre d’effectuer ce glissement.
 
  1. Après que le Bureau du Plan et la Banque Nationale de Belgique aient précédemment émis l’idée d’une taxation des plus-values afin de financer un tax shift, le monde scientifique et, plus récemment, le Conseil supérieur des Finances, la Commission européenne et l’OCDE s’y rallient également, chiffres concrets à l’appui. Selon le Prof. Jozef Pacolet du HIVA, un produit moyen de 2 milliards d’euros est possible. Le Conseil supérieur des Finances avance même le chiffre de 3,82 milliards d’euros (1% du PIB), tout en tenant compte d’exonérations pour environ 50%.
  2. Le Conseil supérieur des Finances a récemment proposé de reconsidérer les dépenses fiscales dans l’impôt des sociétés. Il émet les plus extrêmes réserves quant à l’efficacité de certaines d’entre elles, en particulier concernant les taux préférentiels en faveur des PME.
  3. Le dérapage des intérêts notionnels reste d’actualité, avec un rendement insuffisant en termes d’investissements et d’emploi.
  4. De plus en plus de voix s’élèvent en faveur d’une globalisation de l’ensemble des revenus pour l’impôt (progressif) des personnes physiques, y compris les revenus mobiliers (dont les plus-values), afin de remplacer la taxation distincte, moins élevée, voire même la non-taxation (pour une part importante des plus-values, par exemple).
  5. Il convient de mettre fin au dérapage de la mise en société: les personnes qui créent des sociétés pour éluder le paiement de l’impôt et des cotisations et que le gouvernement cherche à nouveau à tenter en réduisant de 15 points de pourcentage l’impôt sur les bonis de liquidation des PME. Il s’agit d’un tax shift pour les entreprises qui cessent leurs activités et qui peut servir à soutenir des entreprises qui continuent à créer de l’emploi.
 Il existe donc suffisamment de pistes pour avancer à court terme vers plus de justice fiscale.
 
En outre, il y a lieu de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, ce qui peut mettre plus d’égalité entre les citoyens et également offrir des recettes budgétaires importantes à l’Etat. Citons par exemple le dossier de fraude fiscale de la banque HSBC. Le fisc belge a identifié a ce moment 825 dossiers potentiellement frauduleux. Le traitement de 191 d’entre eux a d’ores et déjà permis à l’Etat de récupérer (amendes comprises) un montant de 434,3 millions d’euros.
 
Nous sommes par ailleurs favorables à une grande réforme fiscale, avec un impôt sur la fortune et un volet “fiscalité environnementale”. Cette réforme est non seulement sociale et juste mais elle est aussi absolument nécessaire pour l’assainissement des finances publiques.