L’austérité imposée par les différents gouvernements, et singulièrement par le gouvernement ultralibéral de Charles Michel, a particulièrement aggravé les inégalités de genre. En effet, à plusieurs égards, les femmes sont les premières cibles de ces mesures d’austérité. Cette situation est ardemment dénoncée par le Bureau des Femmes de la CGSP wallonne. À l’occasion de ce Comité interrégional wallon, nous réaffirmons la volonté de la CGSP wallonne de lutter activement contre ces inégalités de genre dans le monde du travail, dans la société en général et dans notre organisation syndicale en particulier.

Les femmes sont victimes d’un détricotage de la législation du travail qui a pour effet de favoriser les contrats précaires et/ou à temps partiel. En Belgique, près de 42,3 % des femmes salariées sont engagées en temps partiel alors que ce chiffre avoisine les 8,5 % chez les hommes[1]. Cet écart important s’explique par divers facteurs. Premièrement, parce que les contrats à temps partiel sont surreprésentés dans les secteurs où le taux d’emploi féminin est le plus élevé comme les soins de santé, la vente ou l’entretien. Deuxièmement, la surreprésentation des femmes s’explique aussi par le sous-investissement des pouvoirs publics dans les milieux d’accueil collectif pour enfants. Les femmes optent alors pour des emplois à temps partiel faute de places d’accueil disponibles. Par manque de places en crèche publique, manque de solution d’accueil extrascolaire et pénurie de place pour les élèves de maternelle (dans certaines régions), travailler à temps plein lorsqu’on a des enfants est devenu quasiment impossible pour beaucoup de femmes… et d’hommes. Enfin, si les femmes sont majoritaires dans le travail à temps partiel, c’est aussi parce qu’elles restent, dans une très large frange de la société, en charge de l’éducation et des soins des enfants. L’écart salarial entre les hommes et les femmes qui avoisine les 20 %[2] explique en partie pourquoi lorsqu’un des deux conjoints doit – faute de solution d’accueil – réduire son temps de travail, il s’agira la plupart du temps de la femme qui, victime du stéréotype du genre, se sacrifie dans la prise en charge de l’éducation et de la famille.

La CGSP wallonne dénonce la modification de calcul de l’Allocation garantie de revenu (AGR) décidée par le gouvernement fédéral. Elle s’oppose également à l’accord à priori favorable donné par la FGTB sur la disponibilité des bénéficiaires de l’AGR au sein du groupe des 10. En effet, le nouveau système est un retour en arrière qui suppose une diminution de 50 % de l’allocation après deux ans. Or, comme évoqué plus haut, puisque les femmes sont ultra-majoritaires dans l’emploi à temps partiel, elles seront donc touchées de plein fouet par cette réforme. 22 000 travailleurs wallons (dont 80 % sont des femmes) sont concernés par cette attaque sociale. Il est intolérable d’accepter de voir nos droits tailladés par le gouvernement fédéral.

Cette réforme de l’AGR a été précédée d’une réforme des allocations d’attente, rebaptisée allocations d’insertion afin de les limiter dans le temps à trois années maximum. Depuis le 1er janvier 2015, cette réforme, pensée et votée par le gouvernement précédent, est responsable de pas moins de 30 000 exclusions du chômage dont 25 000 en Wallonie. Encore une fois, les femmes sont en ligne de mire puisqu’elles sont nombreuses à travailler à temps partiel et que ces emplois ouvrent rarement le droit au chômage complet indemnisé. Dès lors, en tant que cohabitantes, elles risquent en cas de perte d’emploi de n’avoir droit à aucun revenu de remplacement. Cette situation est une régression sociale sans précédent qui pousse de nombreuses femmes vers une dépendance économique totale envers leur famille ou leur conjoint.

La CGSP wallonne demande que les réformes de l’AGR et des allocations d’insertion soient abandonnées parce que le travail à temps partiel est rarement un choix. Soit il résulte de conditions imposées par l’employeur, soit il est contraint par le manque de place dans les structures d’accueil et de soins des personnes dépendantes.

L’austérité conduisant au sous-financement des services publics condamne les travailleuses à une triple peine. Premièrement, ces mesures impliquent la réduction des fonctionnaires dans la Fonction publique où les femmes sont majoritairement employées. Deuxièmement, la diminution des services d’accueil et de soins aux personnes dépendantes conduit les femmes victimes du stéréotype de genre à assurer ce rôle jusqu’alors assumé par la collectivité. Enfin troisièmement, les services publics supprimés sont ceux où les usagers sont majoritairement des usagères[3] et donc ces suppressions affectent plus les femmes que les hommes.

Pour la CGSP wallonne, le statut de cohabitant est un système injuste et discriminant à partir du moment où il est sans cesse prétexte à réduire voire supprimer l’accès aux allocations sociales. Alors qu’un travailleur cotise individuellement auprès de la sécurité sociale, pourquoi, lorsqu’il est en droit de recevoir une allocation, doit-il voir le montant de celle-ci raboté en fonction de la composition de son ménage ? Cette différence entre la perception de la cotisation et son versement en tant qu’allocation ne se justifie en rien. De plus, récemment, le gouvernement fédéral a décidé de rétablir les intrusions domiciliaires chez les demandeurs d’emploi. Ces visites sont non seulement humiliantes mais elles sont aussi, si on y ajoute toutes les procédures liées à la vérification et à l’application du statut cohabitant, très onéreuses pour l’administration.

La CGSP wallonne revendique l’individualisation des droits sociaux.

Ceux-ci doivent être accordés selon le statut professionnel de chacun-e. L’individualisation des droits sociaux permettrait à tous et toutes de bénéficier de manière égale à l’accès aux prestations de la sécurité sociale et supprimerait les problèmes liés au contrôle du statut de cohabitant. La suppression du statut de cohabitant serait un gage d’autonomie financière, condition sine qua non à un épanouissement social et professionnel.

Motion adoptée le 24/11/15 à Namur lors du Comité Interrégional wallon.

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[1] Service de presse d’Eurostat, Les femmes gagnaient en moyenne 16 % de moins que les hommes dans l’UE en 2013, 5 mars 2015, [En ligne] URL :http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/6730006/3-05032015-AP-FR.pdf

[2] Equal Pay Day 2015, FGTB fédérale, [En ligne] URL : http://www.fgtb.be/web/guest/egalite-femmes-hommes

[3] Suppression des bureaux de postes, suppressions des antennes administratives locales, des crèches communales, des transports scolaires, des soins de santé de proximité…